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Le restaurant-école Hoa Sua
 
Si vous avez un jour la chance de passer par Hanoi, arrêtez-vous au moins une fois au restaurant-école Hoa Sua dans le quartier Hoan Kiem. Parole de gourmand, vous ne le regretterez pas. Cette école pas comme les autres a installé son restaurant dans une ancienne villa coloniale en plein centre de la capitale vietnamienne. C'est là que ses élèves les plus doués, transformés en cuisiniers, serveuses ou maîtres d'hôtel, vous recevront pour vous faire goûter aux bons petits plats qu'ils ont appris à préparer. 
 
L'atmosphère est bon enfant. Les trois filles ou garçons qui vous reçoivent à l'entrée du jardin font de grands efforts pour vous souhaiter la bienvenue en français, en vietnamien ou en anglais sans pouffer de rire. Prestement, on vous conduit ensuite à une table dans le jardin ou à la terrasse à l'étage. La raison d'être de la maison se trouve sous vos yeux dès les premières lignes du menu: «Les mets que vous aller consommer ont été préparés par les élèves de l'école et le service est également assuré par des jeunes en formation...» indique une note en haut de page. Du fond de la salle où elle observe ce qui se passe tout en discutant avec un coopérant étranger, la directrice, Pham Thi Vy, regarde avec satisfaction ses protégés aller et venir avec aisance parmi les tables. De temps à autres elle fronce les sourcils et prend des notes, se gardant bien d'intervenir devant les clients. 
 Fondatrice de cette institution, Mme Vy comme tout le monde l'appelle, a de bonnes raisons d'être fière. L'école qu'elle a lancée il y a 10 ans, avec six autres enseignantes à la retraite, a connu une croissance phénoménale et un succès foudroyant auprès des enfants, éducateurs et employeurs. «Notre objectif initial était de lutter contre la misère en offrant aux enfants défavorisés et handicapés une formation gratuite dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration. Or, c'est exactement ce que nous avons fait pour plus de 2000 jeunes qui ont presque tous trouvé un emploi dès leur sortie de l'école», dit-elle. Le fait que le Vietnam ait reçu 32 fois plus de touristes en 2004 qu'en 1990 y est certainement pour quelque chose puisque les entreprises ont un besoin constant de personnel, mais il y a aussi la manière Hoa Sua. 
 
Quand elle a pris sa retraite en 1993 Mme Vy voulait simplement donner des cours de broderie à une vingtaine d'élèves défavorisées, mais comme elle aime aussi la cuisine, cela s'est ajouté tout naturellement. Ce sont ses collègues enseignantes et elle-même qui ont payé le matériel requis pour la bonne marche des cours. L'année suivante, elles reçoivent 5000 $ de la Fondation française de la Jonque dans le but d'ouvrir une école de pâtisserie/boulangerie capable de s'autofinancer en vendant ses produits sur place. Hoa Sua est née. Sept mois plus tard, l'école reçoit ses premières demandes de diplômés de la part des hôtels et des restos. Le mouvement ne s'arrête plus: Hoa Sua déménage cinq fois en sept ans pour avoir des locaux plus grands. L'école signe des ententes avec l'État pour la reconnaissance de ses cours, ratifie des accords avec des institutions en France et en Belgique, envoie des formateurs suivre des stages en Europe, obtient l'aide de la France et de l'Espagne pour la construction de quatre nouveaux bâtiments et devient finalement un lycée professionnel avec 450 élèves et 140 employés. 
 
Aujourd'hui, les cours de cuisine, de broderie, couture et autres disciplines se donnent dans de nouveaux locaux installés en banlieue de Hanoi, les élèves logent gratuitement dans le pensionnat voisin et les stages se font dans le grand resto du centre-ville, la boulangerie située dans le même quartier, le café-resto de la vieille ville ou le mini-hôtel Hoa Sua de Sapa. Une minuscule boutique a été ouverte à Hanoi pour vendre les broderies des élèves. 
 
«L'école n'a pas dévié de sa vocation humanitaire pour autant. Elle donne toujours une formation gratuite aux défavorisés et aux handicapés», souligne Mme Vy. La seule chose qui a changé, c'est que Hoa Sua réserve maintenant des places aux enfants issus des minorités ethniques. L'école incite aussi les jeunes à retourner vivre dans leur région d'origine à la fin de leur cours pour favoriser le développement régional. En plus de s'autofinancer, Hoa Sua verse un salaire aux élèves, leur offre un suivi médical et psychologique, aide ses diplômés à la recherche d'un emploi dans les grands hôtels et restaurants européens ou asiatiques et trouve des mécènes pour offrir des bourses d'étude à 60 % de ses élèves. 
 
La noble mission de Hoa Sua ne la met pas à l'abri des difficultés pour autant, note Mme Vy. Ainsi ses restos font face à une concurrence de plus en plus vive de la part de l'entreprise privée; l'école doit se battre pour conserver ses profs attirés par les grandes entreprises qui offrent de meilleurs salaires et elle a parfois de la difficulté à placer les jeunes issus de milieux défavorisés malgré leur formation réussie. Divers ONG étrangères offrent un appui soutenu à l'école et des volontaires viennent constamment offrir leurs services à titre de formateurs, mais il y a encore de la place pour les professionnels de bonne volonté. Avis aux intéressés. 

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