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Quan Ho

Les chants folkloriques du Nord-Vietnam ont des origines très anciennes. Ils ne faisaient leur apparition officielle qu'avec la création du chef-lieu provincial (en 1822) et de la province de Bac Ninh (en 1831).

 

A la différence des autres chants folkloriques qui ne possèdent qu'une version, les Quan ho comptent environ 200 variantes, dont la musique est très variée, les paroles très étudiées, les gestes et les habits très soignés. Ils ne sont chantés qu'à l'occasion des fêtes communales. Avec la reconstitution récente de Bac Ninh (auparavant fusionnée avec la province Bac Giang), les Quan ho ont retrouvé leur état civil d'origine et s'appellent désormais Quan ho Bac Ninh.
Leur terroir est circonscrit dans un rayon de 8 à 10 km environ, avec le chef-lieu Bac Ninh comme centre, et englobe 49 villages limités au nord et à l'ouest par les rivières Ngu Huyen Khe et Cau, au sud et à l'est par l'arc montagneux Che Dam.
Pour mieux comprendre les Quan ho, il vaut mieux de les situer dans un contexte territorial, historique et culturel de la dynastie des Ly. Ses rois fondaient le Dai Viet qui ouvrait l'accès du delta aux Kinh. Ici se formaient des villages prospères qui pratiquaient la culture du riz et créaient de nombreux artisanats. L'éducation était aussi florissante et permettait la formation de nombreux lettrés dont des lauréats de première classe. D'autre part, grâce à sa cité proche de l'ancienne capitale Thang Long et sur la route menant vers la Chine, cette région -ancien "pays Bac " - avait reçu des apports culturels à la fois intérieurs et extérieurs.
Au cours des différentes phases de développement, les chants folkloriques s'étaient aussi affinés et enrichis pour devenir les Quan ho contemporains. Il faut mentionner également l'influence des Cham, dont certains musiciens de valeur, qui avaient contribué à la composition des Quan ho.

Les rites pour une amitié fraternelle.
Les Quan ho sont soumis à des règles particulières. Les chanteurs se divisent en groupes distincts, suivant leur sexe, numérotés de deux à huit. Les numéros de deux à cinq sont réservés pour les anciens, de six à huit pour les cadets. Chaque village peut organiser plusieurs groupes qui peuvent s'allier avec d'autres des villages voisins, à condition d'être du sexe opposé.
Dans une fête, un groupe masculin peut inviter un groupe féminin à prendre une chique de bétel, prélude pour faire connaissance. Puis, les deux groupes chantent ensemble. Si les deux parties arrivent à un accord, le lien d'amitié est convenu. Ils fixent un jour pour se présenter devant la communauté de village. En ce jour, le groupe masculin sollicite l'établissement d'un lien d'amitié autorisé par les parents du groupe féminin. Ensuite, l'autorisation est solennellement reconnue par le maître des cérémonies du village des chanteuses. L'alliance entre deux groupes Quan ho a fréquemment conduit à l'alliance des villages concernés. Désormais, les nouveaux amis se considèrent comme frères et soeurs et se conduisent comme tels dans leurs relations. Sauf de très rares exceptions, le mariage entre les membres de deux groupes amis est rigoureusement interdit.

Un jeu compliqué
En dehors des répétitions, les frères et soeurs Quan ho ne chantent ensemble qu'à l'occasion des jours de fête de leurs villages ou sur l'invitation des autres villages. Dans ces occasions, ils chantent fréquemment en plein air, aux alentours de la pagode ou du temple communal, sur terre, ou en barque, et parfois à l'intérieur des maisons, et attirent une foule nombreuse, pleine d'enthousiasme durant toute une nuit.
Ils contre-chantent par couple et non en choeur, en solo, en duo. Pour juger leur talent musical, ils se font arbitres réciproques et jugent sur la concordance des airs chantés qui doivent se correspondre selon des règles fixées.
Un chant Quan ho bien structuré doit comporter trois parties: Bi (prélude), Thân (contenu principal ou corps) et Dô (variation terminale). Le prélude revêt une signification éducative et est déclamée lentement. Le contenu de caractère sentimental, est plus rythmé, plus rapide avec des stances nettement définies. La variation terminale marque un changement d'air et annonce la fin de la chanson.
On trouve cette structure dans le giong vat qui a reçu de nombreuses additions en provenance de différentes sources, depuis le début de ce siècle. Le giong co, ou structure traditionnelle, est moins répandu avec ses modulations habituelles telles que "i'a, oi a, hu la... " .

Cinq cents airs de Quan ho traditionnels
Bien qu'ils aient incorporé plusieurs autres airs folkloriques et se soient transformés notablement, les Quan ho conservent toujours précieusement leur musique pour l'écriture des paroles, la construction des rimes laissant une profonde impression sur l'auditoire. Les vers Quan ho sont soignés, limpides et variés, et se divisent en parties distinctes et coordonnées pour accentuer leur effet émotif. Les chants Quan ho, couplés avec une musique suave, produisent une douce impression qui les placent au dessus des autres chants folkloriques.
Il existe environ 500 airs de Quan ho traditionnels, ayant chacun sa mélodie spéciale. La saison des chants dure pendant les deux premiers mois du printemps, principalement dans leurs villages d'origine. La fête à Lim (13-15 janvier lunaire), à une vingtaine de kilomètres de Hanoi, est le centre de ces représentations. Les airs Quan ho se font entendre partout, sur les pentes des collines, dans les rizières, sur les barques, à l'entrée des pagodes et jusqu'à l'intérieur des maisons. Ces dernières années, il s'est formé une coutume: celle d'organiser des concours de chants Quan ho à la veille de la fête à Lim, qui attirent de nombreux concurrents et concurrentes et aussi un très nombreux auditoire autochtones et étrangers.